Faire Cage

Recueillir les expériences collectives,
du 24 au 28 avril 2023.

Le workshop Faire cage : recueillir les expériences collectives fait suite à trois sessions de travail (Le radeau, Adret/Ubac et Jardin partagé) menées autour de la recherche d’une cage à ours dissimulée par le temps dans les Pyrénées. Il a eu lieu du 24 avril au 28 avril 2023 à l’Université Bordeaux Montaigne entre une salle de travail à l’intérieur de la Maison des Arts et le terrain extérieur adjacent. Ce workshop est envisagé comme un moment de transmission entre les personnes ayant participé aux missions précédentes — les membres de l’association Bíos-Faire — et le reste des personnes participant à cette expérience de travail en collectif — des étudiantes de master 1 recherche en Arts plastiques, qui elles n’ont ni cherché cette cage à ours ni ne l’ont vue par elles-mêmes. Cette semaine de travail prend la forme d’une recherche-action. Elle permet de questionner les images et imaginaires qui se développent autour d’un objet tel qu’une cage à ours par le biais d’une transmission orale, mais aussi visuelle grâce aux diverses documentations effectuées lors des entreprises précédentes. 

La cage à ours créée lors de ce workshop semble relever du type d’espace décrit par George Perec. En effet, l’objet plastique réalisé par le groupe n’est qu’un simulacre de la cage réelle des Pyrénées. Ce simulacre bénéficie cependant d’un gain d’autonomie à mesure qu’il se détache de son référent pour exister sur un terrain nouveau en développant une vie d’objet qui lui est propre (construction, modifications, intéractions avec l’environnement etc.). Le simulacre de cage à ours reprend les dimensions exactes de l’originale mais son aspect diffère grandement. 

Elle ne se nomme ainsi « cage » que par la transposition effectuée et les liens qui en découlent entre son existence et la cage originale. La cage à ours pyrénéenne ne devient alors qu’un simple prétexte à la collaboration mise en place lors de ce workshop, un référent-prétexte qui s’efface et se renforce à la fois à travers la construction d’un objet plastique autonome et mémoriel. Les différentes pratiques mises en place interrogent dès lors la nature de la cage pour ne pas dire son ontologie (qu’est-ce qu’une cage), ses fonctions (que fait la cage), mais aussi ce qui n’étant pas une cage pourrait prétendre l’être (qu’est-ce qui « fait cage »).

 

Faire cage ne se résume pas au simple fait de bâtir une cage. Cet objet est au cœur des pratiques mises en place mais ce n’est pas la seule préoccupation du workshop. L’idée de faire cage dépasse ainsi la conception de l’objet en lui-même. Cela revient à questionner les notions d’enfermement, de grille, à s’interroger sur le dedans et le dehors, à questionner la cage comme une frontière. La frontière avec le « sauvage » peut notamment être pensée, marquant une certaine opposition entre nature et culture qui tend à disparaître. La cage en tant qu’objet plastique et expérience collective joue également sur le visible, le peu visible et l’invisible, qu’il s’agisse de l’intégration de la cage à son environnement la rendant presque invisible malgré ses dimensions, ou des liens humains créés lors de cette collaboration, liens tangibles mais pas visibles.

 

 

La cage fait espace

La cage se définit comme « un espace clos servant à enfermer des êtres vivants » ou comme « un espace clos où se tient ou se meut quelqu’un ou quelque chose ». Si la cage fait espace, alors de quels types d’espaces s’agit-il ?

 

La cage est avant tout un espace d’enfermement, ponctuel, qui peut être symbolisé par un point dans l’espace, donc un lieu. Ce lieu peut aussi être vu comme un abri, un lieu de protection : en enfermant on peut protéger l’extérieur de ce qui est captif de la cage, tout comme la cage peut protéger d’un danger extérieur ce qu’elle contient. Ses autres fonctions peuvent aussi être de piéger, capturer, exposer ou encore de montrer. Dans ce dernier cas, on sollicite la notion de visible et d’invisible, et plus précisément de « rendre visible » grâce à la capture d’un être habituellement caché (l’ours par exemple). 

Ce lieu de la cage est également une limite. Elle démarque un espace comme en retenue (la polysémie de retenue est pleinement exploitable) par rapport à son environnement, dont elle tente de prélever un morceau de vivant. La limite existe ainsi dans ce qui est extrait ou non de l’environnement (ce qui est à l’intérieur ou à l’extérieur de la cage) l’intérieur n’appartenant déjà plus à son milieu d’origine tout en y étant encore situé. 

La cage entrave les mouvements ou bien les pensées selon qu’elle soit un objet ou une métaphore. Cet espace restreint a la particularité d’être ouvert sur ce qui l’entoure, sa démarcation ne tient donc qu’à quelques éléments efficaces, tels que des barreaux. La cage entretient ainsi un rapport ambigu à son environnement puisqu’elle s’y intègre subtilement (visuellement, elle ne segmente que peu le paysage puisqu’on voit au travers) tout en prélevant un espace dans un espace.


La cage des Pyrénées est un « inhabitable », elle traduit « le parqué, l’interdit, l’encagé, le verrouillé ». Les différentes manières de travailler ont finalement contribué à ouvrir cette cage et à faire cage en détournant celle-ci de sa rigidité formelle. La cage s’est évadée d’elle-même.

Cage et environnement

Le workshop Faire cage travaille une décontextualisation de la cage à ours pyrénéenne puisque l’objet est déplacé dans le contexte universitaire. 

Cette recontextualisation permet d’interroger l’ancrage de l’objet au lieu qui l’accueille mais aussi l’imaginaire qu’il déploie. La cage peut servir à transporter, protéger, observer, torturer, elle peut être fixe ou mobile. Elle peut donc être source de peur tout comme une source d’émerveillement.

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